Dans les années 90, je découvre que les Pet Shop Boys chantent en duo avec une certaine Dusty Springfield sur leur single « What Have I Done To Deserve This ». La chanson, pas trop mal, est sur leur best of ; apparemment le duo semblent honoré de chanter avec cette vieille chanteuse fatiguée des années 60, sans doute une ancienne gloire locale anglaise (vieux chignon sur la tête et gros traits noirs sur les yeux, une sorte de Brigitte Bardot ayant légèrement mieux vieillie…) ; bref, voilà ce que j’en pense à l’époque.
Soyons clairs : je ne suis nullement bouleversé par sa performance façon électro-pop. En fait, je me souviens que les Pet Shop Boys se sont fait une spécialité de redonner une jeunesse sonore à des chanteuses du troisième age ; ils ont par exemple produit un album pour Liza Minelli, avec le super single « Loosing My Mind ». Les avoir vu ensuite travailler pour l’actrice anglaise Patsy Kensit avec son groupe Eight Wonder apparaît alors comme une incongruité, puisqu’à cette époque elle a moins de 30 ans.
Quand je décide de m’intéresser à Dusty Springfield, elle est vieille. Pas super vieille, mais elle va mourir sous peu d’un cancer du sein, à 59 ans. Un seul être vous manque et tout sur lui vous découvrez. Cette Dame est morte en 1999 et on daigne enfin reparler d’elle ; un coffret sort, de bonnes rééditions apparaissent : pourquoi si tard ?
Si je n’ai pas pleuré le jour de sa mort, j’ai presque failli verser une petite larme en écoutant pour la première fois « Dusty in Memphis ». Nous sommes en 2002, je suis à Londres et une réédition anglaise vient juste de sortir ; une belle réédition, bien remasterisée, avec en addition des versions mono d’origine et un beau livret avec une bafouille d’Elvis Costello.
Ce disque est tellement un classique qu’on devrait le trouver dans toutes les maisons, au moins en vieux vinyle craquelant. Ce n’est pas que de la pop-soul des années 1960, c’est intemporel : Dusty, tu es immortelle. Si on consulte les classements des meilleurs albums de tous les temps, tu n’es jamais première, mais tu es toujours là, sans frime mais évidente.
Dusty Springfield a une voix exceptionnelle qu’elle met à profit pour interpréter de très bons titres. En fait, j’ai vite appris que pour cet album, on avait emmené la chanteuse à Memphis, là où il y avait les meilleurs musiciens de Soul afin d’y interpréter des chansons des meilleurs auteurs de l’époque (Bacharach/David, Randy Newman et d’autres grands). Alors tout roule tranquilloux : un moment fragile, puis forte, tout en nuance, sa voix se promène tout au long des titres.
On devrait comparer toutes les chanteuses à Dusty Springfield : ici, pas de « Oh Yeah iiiiiiiiiiiyeaaaaaaaaaaaaaaah » ou de « ooooooooouuuuuuuuuuuuuu », cache-misère d’une Soul de bas étage. Rien que de la classe, de la précision, de la sobriété ; bref du travail de pro comme on aimerait à en entendre plus souvent.
Quel était son secret ? On ne peut pas expliquer, juste écouter. Sa biographie pourtant nous éclaire un peu sur sa personnalité. Icône gay, elle est restée longtemps discrète sur son homosexualité, jouant les femmes fatales durant les années 60 pour des hommes transis qui ne rêvaient sûrement que d’elle quand elle chantait « I Only Want To Be With You ».
Laisser un commentaire